Terre de Vesdre | 1 | Géographie du bassin-versant

La Vesdre, cette rivière.
Tantôt chérie, tantôt méprisée. Certains la craignent, d’autres l’admirent. Mais elle ne laisse personne indifférent, tant elle est incontournable dans la région. Ses riverains, mais aussi les promeneurs, industriels, pêcheurs, sans oublier toute sa faune et sa flore – en un mot, d’innombrables êtres vivants – la côtoient et y sont liés, d’une façon ou d’une autre. Ses paysages et ses rives nous semblent familiers. On croirait la connaître, tant elle fait partie de notre quotidien. Et pourtant…Force est de constater que nous ne la connaissons pas, ou ne la connaissons plus. Dans cette série d’épisodes, nous aborderons nombre de ses facettes : géographie, faune & flore, parcours, occupation humaine, histoire, paysages, dynamiques, enjeux.
Pour mieux la connaître, mieux la respecter. A l’heure de la dérive, s’ancrer au territoire, celui qui nous a vu naître ou nous a accueilli. S’y (re)connecter, en tenant compte de toute la vie qu’il abrite et que nous y côtoyons. Cohabiter.
En tant que citoyens, mais aussi en tant qu’êtres vivants et humains. 
Vivre et protéger. Car c’est notre rôle, notre devoir, notre responsabilité. 
Rencontre avec la Vesdre. Notre Vesdre.

Et au milieu coule une rivière… 

NB : dans cet article, nous mettrons l’accent sur une approche “hydro-géographique”. La faune, la flore, la géologie et bien d’autres aspects de notre région feront l’objet d’articles ultérieurs. 

Avant toute chose, prenons un de recul.
La Vesdre, c’est une rivière, mais aussi un territoire, bien plus vaste que l’on ne pourrait le croire. On y habite, on y travaille, on s’y promène, on le traverse, on le contemple, on l’étudie, on l’occupe. 
Ici, tout bouge, tout vit, tout change. 
Ce territoire, on le nomme bassin-versant. 

Un bassin-versant ?

C’est la zone géographique de laquelle sont issues toutes les eaux drainées par un cours d’eau. Toute la pluie qui tombe dans cette région arrive donc, à un moment où à un autre, dans la Vesdre. En toute logique, tous les affluents de ce cours d’eau – quelle que soit leur taille – sont compris dans le bassin-versant, mais aussi les lacs, barrages, étangs… On comprendra aisément que ses limites se situent aux points les plus hauts (les “bords” d’une grande cuve) entourant le cours d’eau et ses affluents, et auxquels ceux-ci prennent bien souvent leur source : collines, lignes de crêtes, cols, monts,…
Ce bassin-versant est une région à part entière, qui se différencie de ses voisines par tout un tas de critères, tels que le climat, le sous-sol, les espèces qui l’habitent, ses reliefs, etc. Souvent, on l’appelle “biorégion”, en référence à toute la vie spécifique qui s’y déploie, son climat, son sol, ses particularités, ses dynamiques. 

Illustration d’un bassin-versant typique | source : EPAGA

En d’autres termes : 

<< Un bassin versant est le territoire couvert par un fleuve et tous ses affluents. Chaque bassin-versant est un monde à part entière – qui soutient des myriades de vies humaines et autres qu’humaines. Depuis les lignes de partage des eaux qui entourent un bassin-versant, toutes les gouttes d’eau filent inexorablement vers la mer. Les bassins-versants sont donc les veines de la Terre. >>

En effet, si l’on simplifie les choses, le parcours de l’eau est cyclique, comme dans tout être vivant. Coeur – artères – organes – veines – cœur, et ainsi de suite. Le parallèle semble donc évident : l’océan est le cœur, la pluie les artères, les terres sont des organes, et enfin les rivières sont les veines qui retournent au cœur océan. 
Raison de plus pour respecter cet organe complexe et magnifique qu’est notre terre. 

La Vesdre, c’est quoi ?

En termes “techniques”, et au vu de sa pente relativement importante, la Vesdre est considérée comme une rivière torrentielle. A travers les vallées et paysages que nous lui connaissons, elle parcourt environ 73 km, depuis sa source jusqu’à son embouchure, dévalant ainsi pas moins de 535 m d’altitude, soit plus des trois quarts du dénivelé de notre “plat pays” !

Forte de ses nombreux méandres et affluents, il n’est pas étonnant qu’elle ait été vue comme étant l’une des plus belles vallées par d’illustres poètes | source : Wikipédia

Mais alors c’est quoi, le bassin-versant de la Vesdre ?

Dans les grosses lignes, le parcours de la Vesdre va d’est en ouest (de droite à gauche sur la carte). Ce sera donc l’axe principal du bassin-versant. Si l’on additionne les parcours de la rivière, des rus et des ruisseaux qui l’alimentent, on arrive à un total de… 1417 km, soit l’équivalent, à vol d’oiseau, de Verviers-Vilnius… en Lituanie ! On l’a vu plus haut, toutes les eaux qui arrivent dans le bassin-versant finissent à un moment donné par rejoindre la rivière.

Esthétique d’un bassin-versant : quand l’hydrologie se fait oeuvre d’art | de gauche à droite : Trooz, Pepinster, Verviers, Dolhain, Eupen | source : Le Passeur (d’Idées)

Quelles sont ses limites ?

La Vesdre est entièrement belge. A l’est, sa source : elle se situe à 605 m d’altitude dans la Fagne de Steinley, à 1 km à peine de la frontière belgo-allemande. Elle est d’ailleurs appelée Die Weser en région germanophone.  A l’ouest, son embouchure : elle perdra son nom de Vesdre lorsqu’elle rejoindra sa grande sœur l’Ourthe, à Chênée (70 m d’altitude), qui rejoindra elle-même la Meuse, qui ira finalement se frotter au Rhin dans leur delta commun, avant de se jeter… dans la mer du Nord. Cette dernière, ainsi que l’océan atlantique qui la borde, sont les grands pourvoyeurs d’une eau qui, pour arriver jusqu’à nos contrées, parcourt plusieurs centaines de kilomètres depuis l’ouest. La moindre des choses est de respecter ce cadeau venu des mers, et de leur rendre cette eau propre et pleine de vie…

La Vesdre n’est pas longtemps seule, puisqu’elle rejoint beaucoup d’autres eaux, dans l’énorme bassin versant de la Meuse, jusqu’au delta Rin-Meuse. Source : Wikipédia

Pour en revenir à notre région, les frontières nord et sud du bassin-versant seront définies, comme nous l’avons vu, par ses sources, la sienne et celle de ses affluents. Au sud, une des lignes de crête est longée par une grosse partie de la Vecquée, un très ancien chemin bien connu dans la région, depuis les hauteurs de La Reid jusqu’à la Baraque Michel. Au nord enfin, un bon point de repère sera la nationale 3 depuis Beyne-Heusay et son prolongement (Chaussée Charlemagne) jusqu’à Henri-Chapelle. Sur ce territoire, ce sont 27 communes dans lesquelles habitent plus de 200 000 habitants. 

Un très grand territoire couvrant de nombreuses villes et villages | source : GéoPortail de Wallonie

Notre bassin versant représente un territoire d’environ 700 km², c’est-à-dire 70 000 hectares ou… l’équivalent de 140 000 terrains de football ! Mais n’espérez pas y organiser le prochain tournoi. En effet, les paysages sont ici tellement vallonnés, si pas totalement accidentés, qu’il n’est pas forcément évident de trouver de grandes surfaces planes…

Des veines par dizaines

Ce territoire est drainé par des dizaines et des dizaines d’affluents ; on en compte plus de 200 !
Parmi ceux-ci, citons la Hoëgne (le plus important), le Bola, la Helle, la Gileppe ou encore le ruisseau de Mangombroux. Petits rus et ruisseaux plus ou moins tranquilles (le Cossart à Stembert, le ruisseau de Rhokier à Heusy), mais aussi de véritables petits torrents sauvages (la Hoëgne, la Sawe,…), tous participent à alimenter (et parfois véritablement gonfler) notre rivière. 
La Vesdre étant alimentée et même parfois “gonflée” par toutes ces dizaines d’affluents, il est assez logique qu’elle puisse quelquefois sortir de son lit…
En bout de parcours, le débit moyen est de 11 m² par seconde.
Toute cette eau façonne les reliefs, les paysages, joue encore beaucoup d’autres rôles.

Le bassin-versant, qui foisonne de rivières, ruisseaux, rus, lacs, et autres sources.
On y distingue les lacs de la Gileppe et d’Eupen, mais aussi les drains des Hautes-Fagnes (“quadrillage” au sud-est) | source : Contrat Rivière Vesdre

Des milieux variés

La Vesdre est une “voie non-navigable”, mais si l’on pouvait la parcourir depuis sa source à sa confluence, on traverserait, par tous ses méandres et dénivelés, des tas de milieux plus variés les uns que les autres. De la lande marécageuse et tourbeuse, à la grande agglomération liégeoise, en passant par les anciennes forêts ducales (Hertogenwald), le barrage d’Eupen, la campagne Lonhienne (Limbourg), une grotte (Sottais), ou encore la ville au riche passé (Verviers), impossible de se lasser. 

“[…] la plus ravissante vallée qu’il y ait au monde. Dans cette saison, par un beau jour, avec un ciel bleu, c’est quelquefois un ravin, souvent un jardin, toujours un paradis.”

Et encore, on ne parle ici que du tracé de la Vesdre !
Remontons l’un ou l’autre affluent, et on découvrira des cascades (du Bayehon, des Nutons), de magnifiques affleurements rocheux (Rocher de Bilisse), des bocages (Pays de Herve), et même des endroits vastes, non peuplés, et chargés de mystère (Fagne de Malchamps, Hautes-Fagnes).

La Vesdre et l’Homme, indissociables

Prés, moulins, terrasses, quais, étangs, cabanes, petites plages… Autant de témoins du lien entre la rivière et l’être humain. Sur les berges et alentours, on trouvera aussi de nombreuses villes et villages (Eupen, Verviers, Pepinster, Nessonvaux…), des anciens quartiers industriels ouvriers (Verviers, Pepinster), une carrière (Trooz) ou encore une station thermale (Chaudfontaine), des commerces, des ponts, des terrasses, des routes, une ligne de chemin de fer… Elle est longée pendant la quasi-totalité de son parcours par la très belle Nationale 61, dite “La route de la vallée”, ainsi qu’une ligne de chemin de fer . 
Ainsi, la Vesdre et ses affluents jouent pour nous de nombreux rôles : abreuver le bétail, nourrir les plantes, alimenter nos lacs et étangs de loisirs, nos piscicultures, nous rafraîchir lors des canicules, abrite les poissons que l’on pêche, nous apaise par ses bruissements, nous émerveille par ses cascades. 
A la maison, nous nous y baignons, nous y lavons nos mains, notre vaisselle et notre linge, nous y cuisons nos patates et… nous la buvons ! Autant dire qu’elle fait partie de nous…

Nous ne sommes pas seuls

En effet l’humain n’est pas le seul riverain. Dans le lit des cours d’eau, le long des rives et sur les berges, on y croisera pléthore d’êtres vivants. Citons entre autres les hérons, martin-pêcheurs, canards, mais aussi des truites, castors, brêmes, grenouilles… Les invertébrés ne sont pas en reste, puisqu’on pourra observer des dytiques, vers, écrevisses, libellules, phryganes et bien d’autres encore. 
C’est un véritable cortège aquatique ! 

ici un canard colvert (hybride), jettant un dernier regard à la Vesdre qui s’en va rejoindre sa grande soeur, l’Ourthe, à Chênée

Sans oublier ceux sans qui nous ne serions rien : les plantes. De la petite renoncule aquatique qui semble se prélasser au peuplier tremble qui nous murmure les messages du vent, en passant par le cresson de fontaine, les joncs épars, l’aulne glutineux… des centaines et des centaines d’espèces, toutes plus belles ou plus “utiles” les unes que les autres.  
A proximité des rivières et un peu plus loin, ce sont aussi blaireaux, crocus, sangliers, chênes, buses, hêtres, paons-du-jour, couleuvre à collier, bouleaux verruqueux, hirondelles rustiques, grandes consoudes… Autant d’êtres vivants et sensibles, dont la vie est autant précieuse que la nôtre, qui ont autant leur place que nous, leur “mot à dire”, et avec qui il serait temps de partager. 

C’est notre rivière, notre territoire, mais aussi le leur. 
Elle nous habite comme nous l’habitons, de mille et une façons.

[…] nous qui vivons à l’échelle des siècles et non des millions d’années devons maintenir ensemble le bassin-versant et ses communautés afin que nos enfants puissent profiter de l’eau pure et de la vie qui gravite autour de ce paysage que nous avons choisi. Du plus petit des ruisseaux situés au sommet de l’arête jusqu’au tronc principal d’une rivière approchant les plaines, la rivière ne constitue qu’un seul lieu et qu’une seule terre.

Dans cette série, nous en apprendrons plus sur son histoire, ses affluents, son débit, ses liens avec l’humain, et tant d’autres choses aussi diverses que fascinantes. 

Suite au prochain épisode…

Sources

You Might Also Like

Leave a Reply